(suite)
Monsieur Le Ban fut alors chargé de tracer le plan d’une nouvelle église. Ce plan terminé, la construction de l’église pouvait commencer…mais c’était sans compter sur le Prieur, qui ne l’entendit pas de cette oreille.
A nouveau la guerre recommença entre le Curé, soutenu par ses paroissiens, et le Prieur qui alléguait toujours les mêmes raisons : ne pouvoir subvenir au financement d’un tel travail.
Quatre ans durant, le Curé devait lutter d’une part contre les autorités civiles qui, ne sachant comment trancher la question, soutenaient que l’édifice pouvait encore vivre des années, et d’autre part contre le Prieur qui ne montrait pas d’intérêt à investir une telle somme pour l’église de la paroisse d’Insming.
1736
L’acharnement et la ténacité du Curé devaient finalement obtenir raison : le 13 Octobre 1736 fut posée la première pierre sous la présidence de Monsieur le Curé de Landroff. La bénédiction fut donnée par Monsieur l’Archiprêtre de Morhange.
La construction de l’église allait enfin commencer, mais pas exactement comme le prévoyaient monsieur le Curé et ses paroissiens. En effet, le Prieur d’Insming ne fit construire que la nef qu’il adossa contre le chœur voûté de l’ancienne église.
1771
Ce ne fut qu’en 1771 que l’Abbé Bénédictin Galaizière fit construire, à ses propres frais le cintre actuel du chœur. Étant donné que cette construction fut posée avec son propre argent, il s’est permis de faire graver ses armes sur la clef du cintre, telles que nous pouvons encore les voir aujourd’hui.
Voilà donc une nouvelle église adossée à un vieux chœur, combien tout cela devait mal s’accorder !
1789
Notre église aura été construite, on peut bien le dire, presque morceau par morceau.
Ce ne fut qu’en 1789 que l’ancien chœur fut arraché et qu’un nouveau chœur , lentement, s’éleva, toujours d’après le plan de Monsieur Le Ban. Il fut terminé la même année et on procéda à la bénédiction.
Ce fut un délire de joie et la liesse au milieu de la population d’Insming. On envoya des hommes se procurer de la poudre, et se fut alors une journée de pétarade et de feu d’artifice. La joie était sans limite au sein de la population. On paya la poudre à tirer 3 livres et 12 soles.
De clocher il n’y en avait point encore. C’était toujours cette vieille Tour d’Amange qui servait de clocher, mais elle non plus n’était pas immortelle. Le temps et l’érosion devaient finalement avoir raison de cette construction massive. Lentement elle commençait à s’effriter, minée par la pluie et, pièce par pièce, elle s’effrita.
1843
Voyant l’effondrement de la tour imminente, le Conseil de Fabrique demanda « la démolition immédiate du vieux clocher et la construction d’un nouveau en rapport et en proportion avec l’église dont il devra faire partie intégrante et avec trois cloches qu’il sera destiné à recevoir commodément »; et Monsieur le Président insista « qu’on ne peut plus ajourner sa démolition, surtout depuis l’écroulement partiel survenu récemment. »
1846
En cette année 1846, l’entrepreneur Mayette, d’Insming même, entreprit les travaux de construction du clocher. Hélas, faute de finances, celui-ci ne put être terminé. On arrêta donc la construction à hauteur de la flèche et on recouvrit le clocher d’une simple petite toiture.
1866
La commune décida l’achèvement du clocher en y posant la flèche, mais elle aussi manquait de finances pour l’ériger et terminer une fois pour toutes cette église. La Fabrique de l’église se vit saisie par une lettre du Sous-Préfet de château-Salins lui demandant de bien vouloir participer au financement de la flèche. Malheureusement, la Fabrique ayant elle mêle de nombreuses dépenses pour finir l’intérieur de l’église, et étant même en dettes, ne put répondre favorablement à la demande du Sous-Préfet. Cet embryon d’église, lentement, s’est formé et élevé, toujours d’après le plan de Monsieur Le Ban, projeté une soixantaine d’années auparavant.
1868
Le gros œuvre de l’église terminé, on pensa à présent à l’embellir dans ses contours. Au cour du mois d’Octobre 1868, on commença à poser le grand escalier extérieur de l’entrée principale. Les pierres furent prises à Mackviller, tandis que les rampes de fer furent confectionnées par monsieur Dubau, serrurier à Insming. Par la même occasion on consolida davantage encore le clocher.
1882
Nouvel enjolivement du clocher : les gens d’Insming virent apparaître, en haut du clocher, un immense cadran indiquant les heures. L’horloge venait d’être posée et, désormais, les cloches annonçaient l’heure dans quatre directions.
1889
Un matin de cette année, on vit des ouvriers s’affairer fébrilement sur la toiture de l’église. La charpente fut mise à nue et les tuiles jetées en bas. Que se passait-il ? Monsieur l’Abbé Tousch, Curé d’Insming, venait de demander la réparation urgente de la toiture, laquelle avait besoin d’une entière réparation. Sur le côté nord, surtout, elle se trouvait dans un état pitoyable. Le Conseil de Fabrique décida alors de « couvrir la toiture avec des ardoises qui la protègeraient mieux et seraient plus digne pour une maison de Dieu.
1910
La sacristie d’alors s’avérant trop petite, on décida la construction d’une seconde sacristie adossée à la première.
Telle à été la longue histoire de notre église. Elle aura vu se dérouler à ses pieds le travail et l’œuvre de plusieurs générations. Majestueuse et fière se dresse sa flèche dans le ciel, comme si elle voulait voir se qui se passa au delà des coteaux d’Insming.
Extrait de l'ouvrage : "Insming, histoire d'une ville" par le Chanoine Kirchving. Illustration P. Kalis
Là où passèrent un jour les troupes Suédoises, ce ne fut pas seulement massacre et pillage. Derrière eux l’histoire de toute une région se consumait dans les ruines en flammes. Sur des évènements vécus par nos aïeux et à présent tombés dans l’oubli, va s’édifier une histoire nouvelle, avec des visages neufs, venus d’autres régions, pour peupler nos contrées devenues désertes.
Là où les hordes Suédoises sont passées, nous n’avons que des sources très précaires et une vision incertaine du vécu d’un hameau, d’une ville et d’une région. Il est donc difficile d’en retracer la vie, ces troupes n’ayant laissées derrière elles que le souvenir de cruauté et de sang, gravé à jamais dans chaque parcelle du terroir, ce que les générations futures ne pourront oublier.
L’histoire d’Insming elle-même, nous ne saurons la retracer que d’après les vestiges qui restait d’elle après l’invasion des Suédois.
L’église d’Insming ne devait pas non plus échapper à la soif de destruction des barbares, comme Notre Dame d’Amange et la tour s’il avaient pu avoir raison d’elle.
Adossée à la tour tour d’Amange, se dressait l’humble petite église d’Amange.
Construite au X-XI ème siècle, elle était, comme toutes les églises d’alors, bâtie en style roman et était de forme assez dissymétrique. La nef faisait environs 120 pieds de long sur 30 pieds de large (36,50 sur9 mètres). La profondeur du chœur était de 36 pieds sur une largeur de 21 pieds (11 sur 6,50 mètres). Elle était haute de 18 pieds (5,50 mètres).
Une voûte en pierre couvrait le chœur et la nef. Celle de la nef était portée par des piliers. Nous le savons car il ressort d’un acte d’enterrement, que Catherine Hennon fut ensevelie vis à vis du dernier pilier.
De petites fenêtres laissaient filtrer à l’intérieur un faible lumière. Il avait quatre petites fenêtres pour la nef et deux petites pour le chœur. Une petite porte ogivale, située du côté du cimetière, formait la porte d’entrée, c’était l’unique porte. La tour d’Amange, avec ses deux cloches, faisait office de clocher. Aucune dépendance ne faisait corps avec l’église, elle n’avait même pas de sacristie.
A l’intérieur de cette église il y avait au milieu du chœur un autel dédié à St Clément, patron de la paroisse. Il y avait aussi deux autels latéraux, l’un dédié à Notre Dame, l’autre à Ste Barbe.
Petite église, sans doute, si on pense qu’elle était l’église mère des villages environnants : Vittersbourg, Honskirch, Réning, Gréning, Nelling, Petit-Rochbach et Kinger. Jamais cette église ne pouvait être assez grande pour contenir le monde des villages alentours.
1631
Lors du pillage de la ville d’Amange par les Suédois, il n’y a pas de doute que l’église, tout comme le reste, n’a pu traverser ce désastre sans avoir subie de graves dommages. D’autant plus qu’on sait la résistance acharnée des arquebusiers enfermés dans la tour, à laquelle les Suédois ont mis le feu pour les enfumer et les obliger à se rendre. L’église, formant corps avec cette bâtisse, n’a pas été sans subir de dommages.
Il est plus que probable qu’en mettant le feu à la tour, l’église ait été endommagée, à moins qu’on ait mis le feu à l’église elle même. Toujours est il qu’il ne devait rester que les quatre murs, la voûte du chœur ayant pu résister au vandalisme.
Ces murs calcinés, exposés quelques années au gel et à la pluie devaient être recouverts plus tard, par les quelques gens qui restaient , par une charpente et des tuiles ramassées des décombres. Le plafond de la nef fut couvert par un plancher en bois.
Le 15 Mai 1688, Jean Denys, Curé d’Insming, écrivit à l’Évêque de Metz : « il y a longtemps que l’église du prieuré d’Insming est ruinée et n’est pas rétablie .» Quelque temps après, le même Curé se plaignit à nouveau à son Evèque : « Dans l’église paroissiale d’Insming, il n’y a qu’un ciboire, pas d’ostensoir pour exposer le Saint Sacrement. Il y a seulement deux pauvres chasubles; une troisième, noire ainsi que deux aubes. Le maître autel est bien mal orné et les deux autels collatéraux sont délaissés. Il n’y a pas de sacristie. »
1700
Toujours est il qu’en 1700 la voûte, au dessus de la nef n’existait plus et avait été remplacée par un simple plancher. Le chœur, à cette époque, avait toujours sa voûte.
Le pays commençant lentement à se repeupler, les bénédictins étant revenus et les ravages de la guerre plus ou moins effacés, on commença à se préoccuper de l’église. La première chose qu’on réclama au Prieur qui en avait la responsabilité, c’était de doter l’église d’une sacristie. Le Prieur avait la garde et la charge de l’entretient de l’église, et touchait en conséquence des redevances spéciales; mais ils faisait la sourde oreille aux revendications du Curé et de ses paroissiens. Il prétextait toujours de ne pas avoir les ressources nécessaires pour une telle construction
1718
Un fait, hélas sacrilège, allait disposer le prieur à de meilleurs sentiments.
En 1718, des voleurs s’introduisirent dans l’église en passant par une de ces petites fenêtres de la nef. Ils brisèrent le tabernacle, enlevèrent le calice et le ciboire après avoir jetés les Saintes Espèces par terre.
L’Evêque de Metz, informé de ce qui venait de se passer, jeta aussitôt, le 23 Novembre 1718, l’interdit sur l’église d’Insming, parce que n’étant pas pourvue de sacristie. Cette décision interdisait donc les offices à l’église d’Insming. L’Evêque défendait même aux fidèles d’aller aux offices de la chapelle du couvent. C’est donc à Sainte-Anne que les croyants devaient se rendre. Une autre conséquence, plus pénible celle là, de cet arrêt pour les « Insming » était de devoir à présent enterrer leurs morts sur le cimetière de Kinger.
Mais ce n’était pas tant les habitants d’Insming que l’Evèque visait, c’était avant tout le Prieur qui trouvait toujours des excuses pour éviter la construction d’une sacristie.
Cette mesure si sévère de l’Evêque allait porter ses fruits. Le Prieur, frappé par cette déclaration énergique se mit aussitôt en devoir de faire construire une sacristie, moyennant une redevance de 1544 francs payée par le prieur. Immédiatement on se mit au travail et, fin décembre, la sacristie était déjà construite. Celle-ci terminée, l’Evêque levait l’interdit, le 31 décembre 1718.
Mais dans le cour des années, cette église qui avait déjà tant souffert, lentement commençait à menacer ruine.
1732
Plusieurs fois, Mr le curé Hansen s’adressa au Prieur pour des réparations urgentes à l’église, laquelle tombait presque en ruine. Mais ce dernier, tout comme auparavant, fit le silence et prétextait toujours les mêmes raisons pour ne rien faire.
Las de guerre, courageux et intrépide qu’il était, Mr le curé s’adressa alors directement à Son Altesse Royale Madame Élisabeth Charlotte, régente.
Celle-ci envoya aussitôt un architecte, Monsieur Le Ban, pour se rendre compte de l’état de l’église et en faire le rapport. L’architecte, le 30 avril 1732, fit à Son Altesse Royale le rapport suivant :
-L’église est fort ancienne
-Les murs surplombent en beaucoup d’endroits
-Elle est mal bâtie et sans proportions
-Elle est obscure à cause de la petitesse de fenêtres
-Il n’y a qu’un simple plancher pour plafond à travers lequel la neige fondue tombe en pluie
-L’agrandir est inutile puisque les murs tombent en ruine.
Extrait de l'ouvrage : "Insming, histoire d'une ville" par le Chanoine Kirchving. Illustration P. Kalis